Fête de la jeunesse
Depuis début février, les élèves et les enseignants ont bousculé leur programme ordinaire pour se consacrer à la préparation de la 45ème édition de la fête de la jeunesse. Petit sondage à la maison : Antoine et Karine se prêtent au jeu des questions-réponses :
- Que fêtez-vous le 11 février ?
- Antoine : la fête de la jeunesse !
- Et c’est quoi cette journée ?
- Antoine : Euh… C’est un jour où on n’a pas classe.
- Karine : Toutes les écoles défilent en ville à la Place de l’Indépendance. Chaque école chante un refrain devant la tribune d’honneur.
- Et pourquoi défilez- vous?
- Antoine : On suit la tradition … Nos grands-parents ont marché, nos parents ont marché, je dois marcher et j’espère que mes enfants marcheront. Les jeunes Camerounais ont de la chance parce qu’on leur dédit une journée rien que pour eux. Ils doivent se montrer reconnaissants de cet honneur. Mais parfois ils gâtent la fête ! Ils préfèrent s’amuser. Dans les rangs tout le monde est sérieux mais à côté, certains font des bêtises et rigolent.
- Karine : Tout le monde ne défile pas : seulement 120 élèves par établissements. Dans mon collège, le Collège de Mazenod, seulement trois écoles ont été retenues cette année. Moi je serai à côté, je les regarderai défiler et je pourrai voir toutes les autres écoles passer.
- Antoine : C’est la seule occasion où on est tous ensemble, avec toutes les écoles de la ville - les écoles publiques, catholiques, islamiques, bilingues, les écoles primaires, les écoles d’enseignement supérieur, les écoles professionnelles et même les associations de jeunes. Et tout le monde est fier de défiler : marcher et chanter. Tout le monde a un uniforme propre, de belles chaussures. Moi je suis dans les rangs, au milieu avec mes camarades du lycée technique.
- Et pourquoi la fête de la jeunesse est-elle célébrée le 11 février ?
- Karine : C’est le jour qui rappelle l’Indépendance du Cameroun. Le 11 février 1961, il y a eu un référendum et une partie du Cameroun a opté pour le rattachement au Cameroun francophone. Mais c’est seulement en 1967 que la fête de la Jeunesse, qui était fêtée uniquement dans la zone anglophone à l'origine, est devenue fête nationale.
- Est-ce que cette fête est importante pour vous ?
- Antoine : Oui, c’est l’occasion de montrer que nous pouvons et que nous voulons faire quelque chose pour notre pays, que nous pouvons apporter notre contribution pour avoir un Cameroun meilleur. On dit que la jeunesse, c’est l’avenir de la nation. Et on peut améliorer les choses. Moi, je voudrai que dans mon pays il n’y ait plus d’argent, ni même sur la terre entière. Parce que les gens se sont fait un Dieu Argent, certains vont même voir le Marabout pour avoir plus d’argent. L’argent est tellement important pour eux que pour en avoir plus, ils oublient qu’il faut travailler et le mériter à la sueur de son front - c’est écrit dans la Bible ! Aujourd’hui, il y a des riches qui ne font que s’enrichir et des pauvres qui sont de plus en plus pauvres. Mais j’aime bien mon pays, parce qu’il y a la paix.. c’est pas comme au Tchad, où l’argent du pétrole a servi à acheter des armes et maintenant les Tchadiens viennent chez nous, parce qu’il n’y pas la guerre.
- Merci Antoine, merci Karine.. et bonne fête à vous.
A l’école Sainte Anne de Marza aussi, nous avons pris soin de préparer la fête de la jeunesse et de sensibiliser les enfants à l’importance de la « Jeunesse, Avenir du Cameroun ». Depuis deux semaines, les cours se terminaient à 12h00 et après la pause, c’était l’entraînement. Les enfants se mettent en procession : 20 rangées de 6 - alignées s’il vous plaît et c’est loin d’être facile ! Les enfants ont répété différents chants patriotiques en chœur et marquer le pas selon le rythme. L’école a fait confectionner de nouveaux uniformes pour l’occasion. Toutes les têtes ont été rasées la veille du défilé.
En ouverture de la fête de la jeunesse, il y a eu effectivement quelques discours, trop longs à mon goût et pas très compréhensibles - et puis les 23 établissements de la ville ont défilé devant la tribune d’honneur : après les établissements primaires, les écoles secondaires et supérieurs, les centres de formations des maîtres. A la queue du défilé, les mouvements des jeunes dans les domaines du sport, de la politique, de la musique et autres. Chaque délégation a entonné un chant dédié très souvent au chef de l’Etat, S.E. Paul Biya. Le public venu nombreux a encouragé chaque cortège par des applaudissements.
Et c’est vrai que les jeunes du Cameroun ont besoin d’être valorisés et encouragés, pour qu’ils trouvent leur place dans un pays où tous les enfants n’ont pas encore accès à l’éducation et aux soins primaires. Et si aujourd’hui, certains font la fête et sont à l’honneur, beaucoup sont laissés de côté – ce qui renforce le sentiment de marginalisation de tous ceux et celles qui sont en mal d’encadrement. En effet, au Cameroun, les jeunes constituent plus de 65% de la population, soit plus de 10 millions d'habitants. Sur ces 10 millions, les élèves et étudiants représentent 4 millions de personnes. C'est dire que 6 millions d’entre eux sont en dehors du système scolaire et universitaire, exclus des préoccupations du MINEJEUN, le ministère de la jeunesse, exclus aussi des rangs du défilé et de la Fête de la Jeunesse. Ces 6 millions d’enfants d’adolescents et de jeunes s’occupent, se débrouillent – et survivent : comme vendeurs à la sauvette, coiffeur, enfants de la rue, jeunes sans emploi, créateurs d'entreprise ou employés à bas prix dans des entreprises et organisations.
Il faut dire, que l’Etat ne consacre qu’un cinquième du budget annuel pour l’éducation de sa jeunesse, les priorités étant mises ailleurs. A la veille de nouvelles élections, le pays peut être fier de la paix qui règne, mais au-delà de ça, même le président reconnaît l'échec de son administration dans certains domaines de la gestion : il n’y a qu’à observer les secteurs des ressources énergiques, de la lutte contre la pauvreté, contre le Sida ou pour le plein emploi, mais aussi la préservation de l'environnement.
Que de chantiers qui nécessiteraient un réel investissement et un engagement politique !
Chantiers que la jeunesse camerounaise, pleine d’élan, d’ambition et d’enthousiasme pourra relever si elle est soutenue dans ses rêves de grandeur et d’avenir meilleur.