Nostalgie, avant que tu me tiennes
Dieu merci, une expérience d’un an à l’étranger enracine les rencontres, les instants, les paysages, les saveurs dans une autre dimension que l’oubli.
A trois semaines du retour en France, les heures s’égrainent, coulent à compte à rebours et je me prends déjà à promettre – à me promettre de ne pas zapper, de ne pas replonger trop vite dans la réalité, dans la vie à la française, dans le bain quotidien. J'ai la chance tout ce mois de juillet d'accueillir beaucoup d emonde, et des coopérants DCC enus nous isiter du Nord, du Sud, de l'Ouest du Tchad... merci à chacun d'être passé, d'avoir laissé vos visages et vos chants imprimés les coeurs des enfants du cenrer, qui auront voyagé à travers vous aussi.. Et puis il y a les jeunes étudiants et bientôt les bacheliers qui arrivent...
C'est toujours riche d'accueillir, d'échanger, de parler de nos aventures, de nos attentes, de nos représentations du monde, de la réalité, d el'ajuster dans la rencontre, dans la coopération au centre de santé et à l'école... avec les enfants, avec Soeur Nicole, sur la montagne aussi..
Bientôt le retour... je m'y prépare, je m'y attend.. Tous les coopérants qui rentrent le disent plus ou moins avec regret : « on reprend les habitudes, on est happé par les contraintes qu’on avait quitté, pour ne pas dire fuit. Tout revient en pleine face, comme un boomerang.. Alors on voudrait repartir, on repense avec nostalgie aux bons moments de la coopé - à en oublier les mauvais jours, s’il y en a eu ! Les coupures d’eau et d’électricité, les mauvais palus, les bouteilles de gaz qu’on n’arrive pas à remplacer, les allumettes de mauvaises qualité, trop humides pour craquer, le thé sans sucre, les enfants sans babouches, les écoliers sans cahier, sans cartable, les salaires trop petits qui inspirent la grise mine à qui voudrait avoir plus, les spleens qui rendent les uns ronchons, les autres désabusés, et ceux-là exténués.
Mais jamais la maison sans amour ! Et c’est cela qu’il me sera impossible d’oublier – car l’Afrique ne se résume pas aux clichés de femme portant le bébé au dos, du vieux sage assis sous le manguier, de l’élégante en boubou rutilant ou de l’enfant au regard empli de questions et encore d’innocence que le monde semble lui voler tant la réalité bouscule nos repères formatés à l’occidental.
Je ne sais pas si j’aurai le mal du pays … le mal du Cameroun en rentrant, ou dans 3 mois, même dans 10 ans – si je reviendrai …. Rien n’est écrit sauf des envies. Je sais que le temps passe et que rien ne peut être comme en avant. Peu importe où on est d’ailleurs ! Ce qu’on vit, ce qu’on fait.. on ne revient pas en arrière, il faut juste savoir d’où on vient pour avancer, savoir aussi être pleinement là où on est.
Je repars bientôt avec en bagage de beaux souvenirs. Et je sais, j’espère que cette année ici me procurera la joie plus que la nostalgie d’une autre réalité. Une réalité peut être plus douce, parce que le rythme n’est pas gouverné par l’urgence. Une réalité peut être plus humaine, plus sociale, parce qu’on se salue d’un « Bon Jour » en deux mots et qu’on n’attend pas moins qu’un « meilleur à toi » ou un « merci » comme réponse littérale.
Je ne sais pas ce que je rapporterai de changer en moi, de déplacer aussi.. Peut être mon regard, sûrement mes certitudes d’avant ! Là, en ce moment, il y a dans mon cœur la joie des retrouvailles avec la famille, les amis – retrouvailles qui approchent dans la hâte. Il y a aussi les instants d’au revoir ici, non sans émotion intérieure et interrogation palpable : est-ce un vrai « au revoir » ou un « à jamais » qu’on voudrait dissimuler, parce qu’on ne sait pas de quoi demain sera fait. Parce qu’il y a ceux et celles que j’emporterai forcément avec moi.. et il y a ce un peu de moi que je laisse aussi ici. Mais j’ose affirmer que le lien est solide et que les relations se maintiendront malgré la distance parce que dès lors qu’il y a la volonté, le chemin n’est pas loin. Pas avec tout le monde, c’est certain - c’est même impossible ! Mais Internet nous aide déjà beaucoup.
J’ose croire que ce n’est pas la nostalgie mais l’optimisme et l’espérance qui trouveront leur place sur mon visage à mon retour, quand je retrouverai une société où la technologie échoue parfois à rapprocher les êtres humains, où les systèmes creusent encore trop d’inégalités, d’injustices ou des marges d’exclusion, une société où les solitudes se juxtaposent dans la foule comme dans nos appartements, au travail.. et même parfois dans nos églises ! Une société, où on a encore du mal à conjuguer le bonheur au présent. Où les débats se multiplient, mais les façons de s’engager restent frileuses et discrètes… comme si les débats étaient suffisants, parce que passionnés et passionnant. Mais ces débats sont nécessaires pour dépasser les refrains sur la crise et le monde qui va mal, pour renouveler le goût de l’action et le sens de la coresponsabilité – qui peuvent à eux seuls contrecarrer l’indifférence et adoucir les neurones de ceux qui se durcissent presque avec raison, tant il semble difficile de garder l’espoir face à l’actualité telle qu’elle va!
Le réel n’est pas toujours à la hauteur de nos idéaux : s’il l’était, ça se saurait et nous n’aurions aucun défi à relever ! Ici une sécheresse qui sévit, là un tsunami aux conséquences désastreuses, ailleurs des leaders politiques qui ne laissent derrière eux que saccage, sous-développement, amertume, déception, plus loin le luxe, l’excès et le gaspillage outranciés.. Les médias renvoient ici toutes ces réalités et les Camerounais y sont particulièrement attentifs !
Je ne crois pas que je pourrai me consoler en regardant de loin l’Afrique émerger, sans rien dire, sans rien faire.. parce que la réalité d’ici n’est pas un idéal transposable et que je suis trop consciente de tous ces chantiers qu’il reste à oser et à boucler. Et pas seulement au niveau local – mais dans notre intérêt commun, en matière de sécurité alimentaire et d’enjeu climatique planétaire, en passant par les questions inévitables de migrations, d’investissements et de croissances solidaires et équitables sans exclure l’impératif d’une gouvernance plus transparente, plus responsable devant les citoyens, une gouvernance qui veille particulièrement à la promotion intégrale de tous les hommes et de tout l’homme. Je crois qu’il n’y a aucun domaine où le Cameroun peut se satisfaire des acquis sans prétendre à mieux. Alors si nostalgie il y a à mon retour, ce sera de la simplicité de l’accueil, de l’espérance et de l’abandon à la providence, de la fraternité qui humanise… et tout ceci est transposable. Il me restera des coups de cœurs, que je vous partage par des photos qui résument tout sans un mot …
et je vous dis à bientôt
et merci pour votre fidélité